Faire face au changement

Changer en gardant son authenticité

"Trois mots donnent la fièvre, trois mots vous clouent au lit : changer de vie."

Christian Bobin

Changement, un mot effrayant pour certains et appelé de toutes leurs forces par d'autres...

Le changement, lorsqu'il n'est pas attendu, fait appel à l'inconnu avec une dimension d'incertitude et son lot de déclencheurs des émotions/réactions liées à la peur et à l'instinct de survie, sauf pour de très rares individus avides de nouveauté, d'aventure, d'originalité ou de défis qui se lancent à corps perdu dans des expériences avec ce qui semble être une résistance à la peur, une prévalence de la curiosité, ou peut-être une part d'inconscience face aux risques, réels ou supposés.

La perte des repères, le sentiment d'insécurité face à ce qui n'est pas identifiable ou pensable, ce qui ne peut être rapproché d'une référence de l'encyclopédie interne, résultant des multiples expériences conscientes et inconscientes, est pour certaines personnes le terreau d'une peur incontrôlée et ses manifestations irrationnelles de panique. Si la panique surgit, c'est alors tous les repères cognitifs de l'individu qui peuvent voler en éclats et le pousser à des actes désespérés et contraires aux connaissances qu'il pouvait néanmoins posséder. Lorsque sous l'effet de la peur de l'inconnu, l'individu s'oppose au changement et cherche à toujours plus consolider ses repères pour tenter de garder sa relative sécurité en accumulant sur ce qu'il considère fondamental : son travail, ses revenus, son couple,..., c'est tout l'ensemble qui risque de s'effondrer si l'un ou l'autre des éléments de cette construction disparaît. Et lorsque cela se produit, c'est pour la personne concernée la porte grande ouverte à la dépression.

L'absence ou la perte de la sécurité intérieure met en lumière un registre de valeurs qui limitent l'ancrage de l'individu aux seuls éléments palpables, matériels, relevant de son environnement ordinaire : son lieu de vie, ses relations, son travail, ses habitudes. Lorsque l'individu élargit son champ d'expérience, et donc de repères, il est plus à même de faire face à ce qui est la nature même de la vie : un flot permanent de changement, de transformations et de métamorphoses. En élargissant son champ d'expérience vers ce qui lui est encore inconnu, c'est aussi son champ de conscience qui s'ouvre et permet d'autres points d'ancrage dans la dimension psycho-spirituelle souvent ignorée d'une grande part des individus évoluant dans notre société fortement structurée dans la dimension matérielle de l'existence. En s'ouvrant au changement, en questionnant les domaines de sa vie pour identifier les points qui ne sont pas en plein accord avec sa nature profonde, en préparant et en accompagnant les transformations nécessaires, c'est toute l'existence qui est dynamisée. Les énergies psychiques et spirituelles de l'individu retrouvent alors l'espace et la fluidité intérieure pour pouvoir se manifester. Comme une rivière dont le cours, restreint par un canal ou freiné par des amas rocheux, retrouve sa liberté et irrigue à nouveau la vallée de ses flots vivifiants.

"Le secret du changement, c'est de concentrer toute votre énergie non pas à lutter contre le passé, mais à construire le futur." Socrate

Parfois le changement est appelé lorsque l'individu, conscient de l'inadéquation entre ses aspirations et les conditions de son existence, ou des abus et des déséquilibres dans lesquels la vie ne peut prospérer, réclame ou exige que soient respectés les besoins et les droits fondamentaux, les siens propres ou plus largement ceux des humains, des animaux ou de l'environnement. Lorsque le changement est souhaité et exprimé, il s'accompagne toujours d'une vision de ce qui ne doit plus perdurer et de ce à quoi l'individu aspire, ce vers quoi il veut aller pour trouver les conditions favorables à son équilibre. Parfois cette vision est clairement définie et exprimée, et quelquefois elle peine à trouver son chemin dans la capacité d'expression d'un individu. Ici aussi la peur joue un rôle majeur. La peur de ne pas pouvoir exprimer sa singularité, de ne pas être entendu et respecté, la peur d'éventuelles conséquences à dire ce que l'on veut, la crainte de vexer, d'être rejeté, etc. Autant de manifestations de la peur qui empêchent l'individu d'être authentique, en accord avec lui-même et avec son éthique. Si la peur est utile pour avertir d'un danger et permettre à l'individu de mobiliser ses capacités pour préserver sa vie, en revanche un état latent et souvent inconscient, du moins en partie, étouffe la pensée rationnelle qui permettrait de clarifier la vision de ce qui n'est pas équilibré, du changement nécessaire, des conditions favorables, et de la capacité de l'individu à se positionner dans le sens de ce qui va répondre à ses besoins fondamentaux et préserver sa vie véritablement.

" Ce rêve est au fond de nous, n’être quitté par rien et n’avoir rien à quitter jamais. Ne pas connaître l’heure de la main vide. Je crains que ce soit un rêve qui nous tétanise beaucoup. Si la vie est un cours en mouvement permanent et que j’avance avec le cours de la vie, bien sûr que j’aurais des choses à quitter : telle berge, tel ami, mais c’est bien parce que ça a du sens d’aller voir plus loin plutôt que de résister au cours de la vie. Cela demande d’accepter que ce n’est pas parce que je ne sais pas où je vais que ce vers où je vais n’a pas de sens ou n’existe pas. Cela invite à accepter l’heure de la main vide, de quitter les amarres, de laisser derrière soi le paysage que l’on a aimé contempler, l’ami que l’on s’est fait sur telle berge et qui a décidé d’y rester. Cela ne se fait pas sans inconfort mais cet inconfort peut être vivifiant." Thomas d'Ansembourg

Comment font les personnes qui accueillent les changements, voire qui les impulsent, avec calme et confiance sans être certaines de ce qui adviendra ensuite ?

C'est précisément parce qu'elles ont cultivé le calme et la confiance en ouvrant leur champ de conscience à l'expérience élargie de la véritable nature humaine dans toutes ses dimensions, qu'elles ont pu développer de nouveaux et multiples points de repère et d'ancrage. Le premier se situant en l'individu lui-même, qui constitue son être profond, sa dimension intérieure unique. Ce qui lui permet de dire "Je" et de se distinguer des autres individus. C'est à partir de ce noyau dur de l'individu que peut et doit émerger ce qui caractérise l'être dans sa capacité à faire face à la réalité de la vie avec ses changements.

Parmi différents médiums artistiques, l'écriture biographique en accompagnant la personne vers une compréhension des événements de sa vie permet une vision d'ensemble, un panorama cohérent des différentes étapes qui offre la possibilité de conscientiser l'importance des changements, des crises existentielles, pour corriger les éventuelles erreurs d'interprétation ou d'aiguillage de son parcours et éclairer, renforcer ou poursuivre les choix favorables à son évolution. Le carnet créatif, en mêlant les mots, l'image et la couleur, permet l'émergence d'une vision conforme à ses aspirations. Lorsque elle se fait sans investigation intellectuelle acharnée ni recherche esthétique prédominante, la manifestation par la voie de l'expression créative spontanée du problème qui bloque ou impose un temps d'arrêt dans son parcours de vie, permet la visualisation intuitive de la solution, la voie de résolution et par là même son chemin d'évolution. Le dessin de formes est dans ce processus une aide remarquable pour la gestion des émotions. Il contribue à une meilleure perception de soi et à la conduite maîtrisée de ses affects en renforçant l'équilibre intérieur, notamment dans les situations qui exacerbent la dimension action/réaction de la personne, pour lui permettre d'aller vers plus de conscience d'être une part créatrice de son histoire individuelle au sein de la grande histoire humaine.

Afin que le changement ne soit plus imposé de l'extérieur, le plus souvent avec violence, mais porté de l'intérieur pour conduire l'individu vers un état plus accompli de son être, vers la vision claire et harmonieuse qu'il voudra créer en lui et ce qu'elle projettera autour de lui.